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La réformation de Froidour en Montagne Noire occidentale (1666-1670)

             Le Réformateur (1)

       Louis de Froidour est né en Picardie, à La Fère, vers 1626, dans une famille de la bourgeoisie d’Offices. En 1651, à 25 ans, il est nommé Conseiller Lieutenant Général en la maîtrise des Eaux et Forêts de sa région natale. Dès 1654, ses compétences forestière et juridique sont remarquées par Jean-Baptiste Colbert alors intendant des domaines du cardinal-ministre Mazarin.

         Au décès de Mazarin, en 1661, Colbert devient Intendant des Finances avec la responsabilité du département des bois. Conscient que la forêt est une richesse inestimable mais gaspillée, dans un état lamentable et gérée le plus souvent par des maîtres impuissants, il lance une réformation générale des forêts dans le but d’augmenter la récolte de bois et de réinventer les règles du service, en envoyant sur le terrain des Commissaires Réformateurs nommés par lui, avec les pleins pouvoirs, sans faire confiance aux officiers en place dans les Maîtrises.

         Le champ d’investigation des commissaires est très vaste : toutes les forêts royales et de plus celles des communautés ecclésiastiques et laïques qui vont être visitées, réformées et dotées d’un plan pour la première fois, mais très peu de forêts seigneuriales. Il s’agira pour chaque forêt d’examiner les titres et les droits, de contrôler les délimitations et bornages, de réglementer les exploitations et de réprimer les abus, le tout sous le contrôle direct et permanent de Colbert.  

         Froidour est nommé en 1662, Procureur pour la réformation de l’Île de France. En 1665, les réformations du Nord de la France étant bien avancées,

(1)  Cette première partie est principalement tirée des remarquables ouvrages de Michel         Bartoli, 2011 et de Michel Devèze, 1962. Voir Bibliographie.  

Colbert, devenu Contrôleur Général des Finances, décide de réformer les forêts du Midi qui sont mal connues et ne rapportent rien au roi. Pour cela, en 1666, Louis de Froidour est nommé « Commissaire député pour la réformation générale des Eaux et Forêts au département de la Grande Maîtrise de Toulouse ». Dès lors, il n’aura de compte à rendre qu’à Colbert.

         C’est une tâche colossale qui l’attend dans les provinces du Languedoc, en Gascogne, Guyenne, Béarn et Pays Basque, soit une quinzaine de départements actuels. Il se met immédiatement au travail : ce sont d’interminables chevauchées pendant 7 ans, en compagnie de son Procureur Julien de Héricourt et d’une suite d’experts (arpenteur, greffier, officiers et gardes concernés, et même marchands de bois).

         La réformation menée par Froidour en Languedoc va être exemplaire. Il visite en détail un millier de forêts, grandes et petites, dont il recherche les bornages, les titres de propriété et d’usages, dont il fait un état des lieux précis, contrôle les abus, écarte les incompétents dans le service forestier et fait poursuivre les corrompus. Mais son travail n’est pas guidé par une volonté de centralisation répressive. Le souci de Froidour est d’abord l’aménagement et l’équipement des forêts ; il préconise des sylvicultures plus protectrices, adaptées à chaque région et même à chaque parcelle de forêt (triage) en fonction des sols et des types de peuplement ; il met en place les fondements de la gestion des sapinières de montagne qu’il est le premier réformateur à découvrir dans les Pyrénées et partout il a la volonté d’améliorer les voies de vidange et de transport (flottage). Il n’oublie surtout pas les contraintes sociales et maintient les usages (pâturage, glandage) que la production de bois peut supporter. La formation des gardes et des officiers tient aussi une place essentielle ; ainsi, dès 1668, il publie « Instruction pour les ventes des bois du roi » puis plus tard en 1683, « Instruction abrégée pour les gardes » et « Ordonnances des Eaux et Forests contenant les fonctions et devoirs des gardes … ». (Figure 1) Froidour

         Simultanément, une commission dirigée par Colbert rédige l’ « Ordonnance de Louis XIV sur le fait des Eaux et Forests, donnée à St Germain en Laye au mois d’Août 1669 ». Ce monument juridique assez conservateur et rigide, nourri par les observations des réformateurs (en particulier Froidour qui vient de publier son « Instruction » un an auparavant), va faire autorité pendant plus d’un siècle et s’imposer à toutes les forêts du royaume. Il présente quelques défauts : fixer un règlement uniforme à des forêts très variées, ignorer les forêts résineuses et méditerranéennes, ne pas aborder les    travaux et aménagements nécessaires, mettre trop de rigueur dans les usages ; autant de défauts que Froidour, en Languedoc, a su éviter ou tempérer.

         En 1673, Louis de Froidour en a fini avec sa réformation de la Grande Maîtrise de Toulouse. Au total il a visité environ 300 000 ha dans un millier de forêts royales ou des communautés ; chacune est munie d’un plan, d’un aménagement adapté et de procès-verbaux de bornage, de visitation et de mesurage. Colbert le récompense et l’honore en lui accordant gratuitement la charge de Grand Maître des Eaux et Forêts à Toulouse.

         Un peu en marge de sa réformation, Froidour publie en 1672 la « Lettre à Monsieur Barrillon Damoncourt » (Figure 1) contenant la relation et la description des travaux qui se font en Languedoc pour la communication des deux mers ; travaux qu’il a pu observer en Montagne Noire. En haut lieu, on s’inquiétait alors de problèmes techniques imprévus en pleine construction du Canal. Paul Barillon d’Amoncourt, intendant de Picardie, est choisi par Colbert pour demander des informations à Froidour, l’homme de confiance sur place, qui, avec sa curiosité et son application habituelles, fera une relation très enthousiaste des travaux de Riquet.

         Mais les dernières années du Grand Maître sont assombries par des conflits d’autorité avec le Parlement de Toulouse, par d’interminables contestations et procédures et par une santé défaillante.

         Louis de Froidour, dont on ne connait aucun portrait, décède le 11 Octobre 1685 sans laisser de fortune à ses sept enfants et ayant écrit dans son testament qu’ « il a beaucoup travaillé et que Dieu lui a fait la grâce de conserver les mains nettes ».

         Il est enterré à Toulouse, dans la cathédrale Saint Etienne, à côté de son ami Pierre Paul Riquet, mort cinq ans avant lui. Heureuse coïncidence finalement cette réunion des deux hommes qui ont fait entrer dans le « siècle de Louis XIV » le Languedoc et singulièrement la Montagne Noire.

           Les documents consultés.

     Les recherches ont été volontairement limitées au fonds Froidour des Archives Départementales de la Haute-Garonne (1). On y trouve :

   - les « registres » de la réformation : 5 forts volumes reliés, de format in-folio, classés par maîtrise avec pour chaque forêt, ses procès-verbaux de reconnaissance et bornage, de visitation, de mesurage, et un plan (quelquefois d’une simplicité un peu décevante en particulier pour les forêts des communautés). Ces registres manuscrits ont été réalisés en plusieurs exemplaires : un pour le roi, un pour Froidour lui-même, un pour la Grande Maîtrise et un pour la Maîtrise particulière concernée (2).

     - les « dossiers » de la réformation : ce sont tous les documents originaux, eux aussi classés par maîtrise et forêt, collectés par Froidour pour la rédaction des « registres ». On trouve ici, en feuillets séparés, les justificatifs de propriété ou d’usage (souvent des copies mais aussi de nombreux vénérables actes authentiques), les contrats de vente, les baux à ferme, les procès-verbaux écrits au retour du terrain, d’innombrables jugements et surtout les plans originaux de grande dimension, souvent pittoresques et charmants, qui ont été reproduits dans les « registres » mais en format réduit et avec des pertes de détail.

     - les  dossiers de la « Table de Marbre » qui jugeait en appel à la Grande Maîtrise les affaires jugées en première instance par les maîtrises particulières.

     

(1)   Ce sont probablement les documents provenant de la Grande Maîtrise de Toulouse, plus complets a priori que ceux des maîtrises particulières conservés par d’autres archives départementales. Des informations complémentaires précieuses pour la Montagne Noire sont peut-être encore à rechercher dans le fonds Froidour des archives municipales de Toulouse ou dans les archives départementales de l’Aude, du Tarn et de l’Hérault.

(2)   La Grande Maîtrise regroupait en 1666 les Maîtrises particulières de Toulouse, Castelnaudary, St Pons, Quillan, Montpellier, Nîmes, Villeneuve de Berg, Rodez, L’Isle-Jourdain, Comminges, Pamiers et Tarbes.                

          

En Montagne Noire occidentale

         Il s’agit ici de la Montagne Noire comprise entre Revel à l’Ouest et le ruisseau de l’Orbiel à l’Est. Au 17ème siècle c’est exactement cette partie de la montagne qui est rattachée à la « Maîtrise des Eaux et Forêts de Castelnaudary ou Lauragais ».

         Dans la vingtaine de forêts visitées, on note quelques constantes :

- le hêtre domine presque partout (1) avec en mélange quelques chênes et en sous-étage des coudriers et des houx.

- les taillis jeunes, 20 à 40 ans, sont les plus fréquents et les futaies rares, ne dépassant pas 80 à 100 ans.

- des dégradations plus ou moins étendues sont constatées dans toutes les forêts à cause principalement de l’abroutissement par le bétail.

- les taillis sont exploités à trop courte révolution; Froidour va imposer un âge minimum d’exploitation et la conservation de baliveaux dans les coupes.

                   Les forêts royales      

         En Montagne Noire occidentale, il y a 6 forêts royales : Sarramegé (Arfons), Hautaniboul (Verdalle), Crabesmortes (Sorèze), L’Aiguille (Les Cammazes), Vauré (Revel) et La Greuse (Labécède). Les « bois du Roi » étaient déjà visités périodiquement par les Maîtrises et munies des plans de Jean Clémens depuis le tout début du 17ème siècle. A nouveau l’équipe Froidour les visite en détail en 1666 et les mesure en 1667 : tout est minutieusement relaté dans les « registres » de la réformation (AD31, cote 8B6) mais aussi dans « Instruction pour la vente des bois du Roi », 1668, (Figure 1). Coïncidence amusante : un peu avant 1665, Pierre Paul Riquet   demande au Roi, mais en vain, « de l’anoblir et toute sa postérité et de lui bailler en fief noble les six ___________________________________________________________

(1)  Les procès-verbaux de visitation ne signalent aucune présence de résineux, qui seront introduits massivement au XXème siècle et on peut s’étonner de l’absence des feuillus secondaires (châtaigniers, frênes, bouleaux, aulnes, trembles) qui étaient sans aucun doute présents .

buissons de Revel appartenant à sa Majesté apellés Haute Niboul, Crabesmortes, Sarramegé, Léguille, Vaure et Lagreusse » lesquels buissons se trouvent « aujourd’hui dégradés et infructueux », ceci en récompense de son offre de creuser la rigole d’essai « a ses frais perils et fortunes ». (1)

Réglementairement, le tiers ou le quart des forêts royales devait être réservé au traitement en futaie (jusqu’à 100 ans ou plus), mais ici, pour satisfaire le besoin en charbon, Froidour va accepter des coupes de taillis à 40 ans, avec conservation de quelques baliveaux par arpent (2). Et pour les lieux trop dégradés et sans avenir, il faudra recéper (3).

De plus l’ « Instruction pour la vente des bois du Roi », pages 126 et suivantes, donne un règlement général pour le glandage : « comme la paisson des porcs n’apporte aucun dommage aux forests, les officiers par chacun an dans le mois de septembre adjugeront au profit du Roy le glandage » et pour le pâturage : « Au regard des herbages et pasturages les dits officiers pourront tous les ans en faire des baux à ferme, mais avec ces conditions que les triaiges qui seront deffensables (4) et dans lesquels il sera permis de faire pasturer les bestiaux, seront declares par les contracts des dits baux et que deffences seront faites aux fermiers de faire pasturer en d’autres endroits …deffenses aussi leur seront faites de faire pasturer aucunes chevres ni bestes à laine … et ne seront les   ____________________________________________________________

(1)   « Etat abrégé des frais des travaux qu’il convient de faire pour la communication des mers en Languedoc » (Archives du Canal à Toulouse, liasse n°1, pièce n°14). Document signalé par Bertrand Gabolde.

(2) Dans les procès-verbaux de la réformation, les surfaces sont données en arpents à la mesure de Toulouse (1 arpent de Toulouse = 0,569 ha).

(3) Le recepage consiste à couper au ras du sol les tiges abrouties et malvenantes pour favoriser de nouveaux rejets de souche avec l’espoir d’une meilleure conformation (uniquement avec les feuillus, puisque les résineux ne rejettent pas de souche).

(4) « deffensable » : se dit d’un taillis devenu capable de se défendre de la dent et du pied du bétail. On retrouve cette notion dans tous les triages ou coupes (encore appelées ventes) dont les rejets sont suffisamment âgés pour échapper à la destruction par les bêtes, généralement une dizaine d’années après l’exploitation.  

les ventes declarées deffensables, sçavoir les forests de Sarramege, Crabes-mortes et l’Esguille qu’elles n’ayent atteint l’aage de douze ans, en celles de Vauré et La Greuze qu’elles n’ayent atteint l’aage de sept ans. »

Forêt de Sarramegé             388 arpents (220 ha)

     Figure 2 : plan forêt de Saramige par J. Clemens, 1616.

     Figure 3 : plan forêt de Sarramege par P. Pech et G. Pech, 1667.

« Bornée de part et d’autre par les rivieres de Sor et de Sorette » cette forêt « dont les trois quarts qui sont sur la plaine sont en bon fonds et tres bien planté … en bois de fau ou hestre pour la plus grande partie et de quelques coudres meslés de houx… » (Instruction, p.102-103) ne se débite qu’en charbon ; c’est pourquoi « nous sommes d’avis que les bois de cette forest doivent estre coupés à l’aage de quarante ans auquel aage ces bois sont tres propres à estre mis en charbon » (Instruction, p. 104-105).

Usurpations et délits par les habitants d’Arfons sur la lisière avec la forêt de Sagnebaude voisine « qu’ils prétendent leur apartenir comme communal » (AD 31, cote 8B6, p. 103), d’où l’ordre donné aux habitants de creuser un fossé de séparation ; des vides aussi, à cause des arbres coupés trop haut (un abus jugé commun dans le pays) et des bestiaux : « le rejet des ventes abrouti, pillé et dévoré jusqu’aux houx ».

 

Forêt de Hautaniboul             1492 arpents   (849 ha)

     Figure 4 :  plan forêt Hautaniboul par Clemens, 1610.    

     Figure 5 :  plan forêt Hautaniboul par Pech, 1669.

     Figure 6 :  plan forêt Hautaniboul par Bussel et Delayre, 1669.

              (dans les trois plans, une église isolée sur les hauteurs)

Entre les ruisseaux de Bernazobre et celui du Sant, bien planté de hêtres, très peu de chênes. Plusieurs triages ruinés et délits « faits par les habitans d’Escoussens, Verdal et Massaguel qui ayant droit d’usage en la ditte forest y coupaient pour leurs bastiments et pour leur chauffage tout ce que bon leur sembloit mesme y faisoient leur charbon … qu’ils alloient vendre en la ville de Castres et les habitans d’Arfons quoy que non usagers y venoient aussi faire des coupes, mais que les plus considérables avoient esté faites par les gens du sieur Comte de Verdale … Nous avons trouvé en outre de grandes coupes du costé de la verrerie du sieur de Robert … en vertue d’une pretendue infeodation a luy faite par les Grands Maistres et la faculté de prendre autant qu’il luy en falloit pour le chauffage de sa verrerie et pour son usage moyennant une albergue qu’il avoit accoustumé de payer … » (AD 31, cote 8B6, p.56 et suiv.).     

Forêt de Crabesmortes                 429 arpents   (244 ha)

     Figure 7 :  plan forêt de Crabesmortes par Clemens, 1616

     Figure 8 :  plan forêt de Crabesmortes par P. et G. Pech, 1667.

« Le bois est de mesme essence que celuy de Sarremegé, beaucoup de haistres, peu de coudres et de houx, nuls chesnes, moins aagé … soixante a quatre vingts ans. Les coupes ont esté faites de mesme sans regle ny mesure certaine … et le bois ne s’y debite qu’en charbon … Nous estimons que les coupes doivent estre faites a l’aage de quarante ans … à condition de la réserve de vingt balliveaux par arpent des mieux venants. » (Instruction, p. 107).

Les bois de 10 à 20 ans sont rabougris, ayant été broutés dans leur jeunesse. Les jeunes repousses des dernières « ventes sont perdues et ruinées par le brout des bestiaux et mesme les houx sont mangés » en lisière des propriétés voisines des religieux bénédictins de Sorèze qui vont devoir se séparer par un fossé. Deux métairies (220 arpents) sont « encloses » au milieu de la forêt.

Forêt de L’Aiguille                         421 arpents   (239 ha)

     Figure 9 :  plan forêt de l’Aiguille par Clemens, 1616  

     Figure 10 :  plan forêt de l’Aiguille par Pech, 1667.

         (Ce château de Roquefort, est-ce la tour ruinée d’aujourd’hui ?)

« Le fonds en est médiocre sur le peu qu’il y a de plaine et de valons, mauvais

sur les costes … tout est coupé, recoupé, abrouty et réduit en brossailles … il serait a desirer qu’elle pust estre recepée tout a la fois ou en peu d’année » (Instruction, p.109) et « les forests de l’Esguille, Vauré, la Greuze seront declarées closes pour huict années » (Instruction, p.128).

Les hêtres et les chênes sont « sans esperance », abroutis par les bestiaux, brebis et chèvres des habitants de Durfort et les dégâts les plus considérables sont faits par les habitants de Revel pour leur chauffage (AD 31, registre 8B6).

Forêt de Vauré           177 arpents   (100 ha)

     Figure 11 : plan forêt de Vauré par Clemens, 1616  

     Figure 12 : plan forêt de Vauré par Pech, 1667.    

Forêt des contreforts de la Montagne Noire entre Revel et Vaudreuille, « tout a faict desertée de bois » (registre 8B6, p.156). « Le fonds en est mauvais … le terrain est un tuf fort sec et fort aride. Le bois dont elle est plantée est de chesne, mais rabougry, malvenant, rampant et mal planté, reduit en brossailles et bruyeres … la dite forest a esté entierement bruslée plusieurs fois … nous estimons qu’il est necessaire de la receper entierement » (Instruction, p.110).

Forêt de La Greuze           234 arpents   (133 ha)

     Figure 13 : plan forêt de la forêt de la Greuze par Clemens 1618  

     Figure 14 : plan forêt de la forêt de la Greuze par Pech 1667

Située entre Labécède et Issel, « le fonds est de tres mauvaise qualité, plain de pierres et de grez, chargé de mousse ; elle est plantée de chesne rabougry et malvenant, de narbouziers et de bruyeres … elle a esté bruslée plusieurs fois, coupée et recoupée sans ordre ny regle à la discretion des fermiers du four domanial de Castelnau-d’arry, pour le chauffage duquel de tout temps elle a esté destinée … de sorte qu’il est necessaire d’en faire un entier recepage » (Instruction pour les ventes des bois de Roi, p.112) et de la déclarer close pour huit ans.

                      Les forêts des communautés ecclésiastiques  

Il s’agit de Ramondens (aux Dominicaines de Prouilhe), La Loubatière (à l’évêché de Carcassonne), Cayroulet (aux Chartreux), quelques petits bois de l’Abbaye de Sorèze et un groupe de forêts dans le Cabardès (à l’église Saint Nazaire de Carcassonne).

     Pour la première fois, elles vont être visitées et réformées par le pouvoir royal. Les religieux n’auront pas à justifier leur droit de propriété ; par contre, le cas échéant, les habitants voisins vont devoir apporter les justificatifs de leurs prétendus droits d’usage.

     Les règlements d’exploitation vont suivre un plan-type commun, comparable à celui des forêts royales :

- laisser croître en futaie un quart de la surface boisée,

- exploiter les taillis à l’âge minimum de 15 ans et souvent plus (dans les précédentes Ordonnances, et encore dans celle de 1669, c’était 10 ans),

- conserver au moins 16 baliveaux par arpent dans les coupes de taillis (1)

- faire pâturer le bétail (à l’exclusion des chèvres et bêtes à laine) uniquement dans les futaies ou dans les taillis déclarés défensables (voir (4) page 6) par les Officiers des Maitrises.

- arrêter tout défrichement et borner les bois.

     Dans toutes les forêts des communautés (religieuses ou laïques), des défrichements sont constatés, jusqu’à la moitié de la surface totale. Froidour ne demande pas leur replantation et le retour à l’état boisé mais, pour l’avenir,

(1)   En Languedoc, Froidour constate la quasi-absence de baliveaux sur pied après coupe de taillis ce qui est contraire à l’Ordonnance de 1669 et aux Ordonnances précédentes. Cette technique sylvicole fait évoluer le taillis simple vers le taillis sous futaie, par la conservation de quelques baliveaux dits « de l’âge » du taillis coupé, qui deviennent des « modernes » puis des « anciens », selon qu’ils ont été réservés une première, une deuxième, une troisième fois, etc …

Il menace sévèrement : «faisons deffenses de recidiver et notamment de deffricher les dits bois a peine de trois mil livres d’amende et de la perte du fonds qu’ils auront deffriche … ».

     Les amendes pour défrichements faits, dérèglements des coupes, manquements de baliveaux, abroutissements et autres délits ou abus, ne paraissent pas excessivement élevées (sauf pour les officiers laxistes ou corrompus) : 25 livres (1) au total dans la plupart des forêts mais jusqu’à 60 livres pour les habitants d’Arfons, 120 livres pour ceux de Dourgne et au maximum 300 livres pour les défrichements du Monastère de Prouilhe.

Forêt de Ramondens         3718 arpents   (2115 ha)

             C’est la « grange » de montagne des moniales de Prouilhe.

     Figure 15 : grand plan très détaillé de la forêt de Ramondens par Jean Bussel et Gabriel Delayre, 1669. Premier plan connu pour cette forêt, il sera la base du plan de 1772 conservé aux archives du Monastère de Prouilhe (2).

L’abbesse de Prouilhe, Jeanne-Antoinette d’Albret, qui vient de voir passer sur ses terres les travaux de la rigole d’essai de Riquet (1665) puis ceux de la rigole définitive, va devoir supporter les remarques des enquêteurs et accepter les frais de l’arpentement, malgré une longue supplique adressée à Froidour (3).

Avec le plan de 1669 (AD 31, cote 8B55, dossier D7), on trouve le procès-verbal de visitation daté du 9/11/1669, quelques mois après l’arpentement : François Degailhard, maître à la maîtrise de Castelnaudary, et Henri Delanes, procureur du roi se présentent au château de Ramondens mais Lapeyre, garde de la forêt et résidant sur place, refuse de les accompagner n’ayant

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(1)Bartoli M , 2011, page 12, adopte la valeur de 15 € pour une livre

(2) Voir le plan de 1772 dans Doudiès J.M. « Arfons et Ramondens », 2013, p. 311 et 312.

(3) Supplique et réponse de Froidour citées in extenso par Doudiès, 2013, p. 197 à 199.    

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pas d’ordre de l’abbesse ; un charbonnier d’Arfons, qui passait par là, est réquisitionné pour les conduire dans tous les triages. On suit parfaitement leur circuit, les noms de lieux étant souvent parvenus jusqu’à nous. Quelques beaux peuplements de hêtres sont décrits, d’âges variables, depuis certains triages prometteurs jusqu’à de hautes futaies où les chênes ne sont pas rares.

Les deux commissaires concluent sur des coupes faites en désordre, contre les ordonnances royales, et sur une part de défrichement évaluée au deux-tiers ce qui paraît très exagéré comparé aux mille arpents de places vides (à peu près le quart de la forêt) estimés par Bussel et Delayre dans leur plan.

Ces places vides ou mises en culture ne peuvent être qu’une volonté du monastère ou de ses métayers et fermiers pour diversifier les productions de cette grange. Nulle part il n’est dit que les habitants voisins soient responsables de quelques délits et de plus, il n’y a pas de droits d’usage.

Un bornage sera imposé, certainement pour mieux délimiter le quart en réserve ou les métairies, le plan portant déjà 44 bornes sur le périmètre.

Forêt de La Loubatière           996 arpents     (566 ha)

                         Possession de l’Evêque de Carcassonne

     Figure 16 : plan de la forêt de la Loubatière 1668 par P. et G. Pech qui placent une trentaine de bornes sur le périmètre. Les trois-quarts sont en bois de haute futaie ou en taillis bien venants, sur bon fonds, et le reste en places vides et terres labourables. Le règlement d’exploitation (Registre 8B7, p.169 et suiv.) s’aligne sur le plan commun et fixe à l’âge de 20 ans les coupes de taillis et à 20 « chesnes ou autres bois de la meilleure espece » les baliveaux réservés. Le voisinage ne dispose pas de droits d’usage ; les abus, les dérèglements de coupes et les défrichements sont reprochés à l’Evêque.

Forêt aujourd’hui incluse dans la commune de Lacombe.

Forêt de Cayroulet         2382 arpents       (1355 ha)

     Figure 17 : plan de la forêt de Cayroulet 1669 par Bussel et Delayre

Sur le versant d’Escoussens, entre Hautaniboul à l’Ouest et Montaud à l’Est, cette forêt appartient aux Pères Chartreux mais la moitié est en vacants et terres labourables. Plusieurs bâtiments figurent sur le plan : une vitrière, sa métairie, un martinet et une rassègue, groupés sur le ruisseau de Mouscaliou qui prend naissance aux actuels bassins de Roudille ; et deux autres « borios » qui pourraient être à l’origine de Fontbruno et de Métairie Haute ?

Les habitants du lieu d’Escoussens ont les droits d’usage (Registre 8B7, p.122 et suiv.). Un partage inhabituel est décidé (p. 136) : après la réserve du quart à laisser croître en futaie, « pour le surplus, avons ordonné qu’il en apartiendra les deux tiers aux dits Pères Chartreux et l’autre tiers qui est le quart du total apartiendra aux dits habitans pour l’exploitation de leurs droits d’usage en bois que les dits habitans avoient de prendre par toute la forest et montagne de Cayroulet ».

Les autres règlements d’exploitation suivent le plan standard au détail près que chacun (les Chartreux et les habitants d’Escoussens) doit « tenir un garde pour la conservation des dits bois et empescher quil ny soit fait aucun délit » (p.139)

Bois des bénédictins de Sorèze

     Figure 18 : plan des bois des Bénédictions de Sorèze G. Pech, 1668, où sont groupées trois petites forêts :

- bois de Grange Vieille (ou bois de Senadou)   85 arpents   (48 ha)

- bois de Redon                                                       40 arpents     (22 ha)

- bois de Lagilliasse                                                 21 arpents     (12 ha)

L’abbaye bénédictine possédait aussi plusieurs métairies attenantes à ces bois très dégradés : « avons gardé et maintenu les dits Religieux et convent de Sorèze en la possession et jouissance des dits bois lesquels attendu le mauvais estat ou ils sont reduits ils seront tenus de receper en dix ans entierement … les Religieux de la ditte Abbaye ont fait deffricher quantité de bois de manière qu’il n’en reste plus que les trois buyssons ci-dessus » (Registre 8B7, p.78 et suiv.).

Figure 19 : Forêts des Chanoines et Chapitre de l’église Saint Nazaire de Carcassonne

     Nombreuses forêts (1500 ha au total) « dans la juridiction de Mirabal en Cabardes » en 1668, aujourd’hui pour la plupart situées commune des Martys.

     Figure 19 : Forêts de Gramentès (1601 arpents, 910 ha, en taillis de hêtres et chênes), La Redonde (243 arpents en taillis de hêtres de tous âges) et Le Cayrol (204 arpents en chênes abroutis pour la moitié et le restant défriché).

     Figure 19 : Bois de La Gresse Haute (230 arpents, la majorité convertie en cultures et le restant en taillis de chênes et hêtres) et La Gresse Basse (130 arpents de haute futaie.

     Figure 19 : Bois de La Filariè (49 arpents de chêne haute futaie), La Clausette (29 arpents coupe rase) et Prat Francs (12 arpents haute futaie).

     Et encore, le bois de Bouscarel (ou bois de La Peyrouse) : 271 arpents dont plus de la moitié en vacants et places vides.

Les habitants des nombreux lieux riverains (Miraval, Mas-Cabardès, La Tourette, Caudebronde) y ont des droits d’usage étendus : pâturage, bois de chauffage, bois de construction, sous réserve de respecter les Ordonnances.

          

Les forêts des communautés laïques

     Les communautés d’habitants vont devoir avant tout apporter leurs titres pour être confirmées dans leurs possessions forestières et, comme les religieux, ils ne pourront pas s’écarter des Ordonnances, le contrôle des Maîtrises étant permanent.

     Les règlements édictés reprennent le tronc commun vu pour les forêts royales et ecclésiastiques auquel sont ajoutées des précisions sur les ventes de bois et l’obligation de nommer des gardes.

     Pour ne pas répéter presque le même texte à chaque forêt, seul celui de Montaud sera cité ici en totalité, à titre d’exemple.

Forêt de Montaud       3363 arpents     (1913 ha)

     Figure 20 : plan de la forêt de Montaud,  AD 31, cote 8B 60, dossier H4.

     Elle appartient aux habitants de Labruguière. En 1670, elle est trouvée en hêtres, quelques chênes, houx et coudres, coupée « sans regle ni mesure ».

     Au Therme Noir, sommet de la Montagne Noire occidentale, elle culmine à 1031 mètres.

     Les habitants de La Bruyere produisent d’abord « copie dune transaction passée entre Isar viscomte de Lautrec seigneur du dit lieu de Bruyere et les habitans de la dite communauté le quinze des calendes davril mil deux cent septante trois par laquelle est dit que le dit Isar laisseroit a perpetuité aux dits habitans la dite forest de Montaud a la charge par eux de luy payer annuellement la somme de quarante livres …Avons par jugement souverain maintenu et gardé les dits deffendeurs en la propriété et jouissance de la ditte forest et montaigne de Montaud faisant deffense au Procureue du Roy et a tous autres de leur donner aucun trouble ni empeschement …Avons ordonné que de la quantité de trois mil deux cent quatre vingt dix sept arpens en quoy consiste le dit bois de Montaud deduction faite des places vuides et terres defrichées et vacans il en sera distrait le quart montant a huit cent vingt quatre arpens qui seront reserves pour laisser croistre en fustaye dans le triage ou le fonds est le meilleur et le bois de meilleure essence et qui sera choisi par l’un de nous ou de nos subdelegues …le dit triage borné en suite contre le surplus du dit bois lequel surplus sera coupé annuelement par coupes reglées de cent arpens de l’aage de vingt cinq ans ou environ suivant les delivrances qui seront faites de suite en suite et de proche en proche par les officiers de la Maistrise de Castelnaudarry … pour estre le bois provenant d’icelles exploités a la diligence des consuls du dit lieu et partagé entre les habitans chacun suivant sa competence et pour leurs necessités et usages sil nest jugé plus a propos apres deliberation prise en conseil de la communauté de vendre les dites coupes ou partie d’icelles au plus offrant et dernier encherisseur soit a la charge de ne pouvoir revendre le bois qu’aux habitans de la Bruyere a certain prix modéré soit avec liberté aux marchands den user a leur discretion … pour estre les deniers provenant des dites ventes employés au payement de la taille ou autres dettes plus pressantes de la communauté … Comme aussy de laisser en chacun arpent seize ballivaux de l’aage du taillis outre les anciens et modernes sans quil soit possible aux dits deffendeurs de les couper non plus que les bois reserves pour laisser croistre en fustaye quen vertu des lettres pattantes bien et deuement verifiées … Avons permis aux dits deffendeurs de mettre leurs bestiaux aux dits bois, hors chevres moutons et brebis dans les ventes qui auront esté auparavant declarées deffensables mesme dy faire pasturer leurs porcs en temps de paisson et glandage …Au surplus leurs avons fait deffense de brusler ny deffricher le dit bois a peine de punition corporelle … avons ordonné quil sera borné a la diligence des deffendeurs par des fossés ou par des bornes de pierre dure de trois pieds de hauteur qui seront posées sur les angles sortans et rentrans et sur les lignes de trop longue portée … et outre ce destablir un garde a la conservation des dits bois qui fera ses rapors pardevant les officiers de la dite Maistrise … » (Registre 8B7, p.142 et suiv.).

Forêts de La Vialette       542 arpents   (308 ha)

         et Sagnebaude       213 arpents   (121 ha)

     Figure 21 : plan de la forêt de La Vialette, 1667, par P. et G. Pech, arpenteurs de Revel.

     Pour Sagnebaude et Sagnebaudou, voir Figure 3.

Ces deux forêts sont indissociables au 17ème siècle, visitées par Froidour le même jour en 1666, mesurées en 1667 et revendiquées en commun par les habitants de Dourgne et d’Arfons qui prétendent les posséder à titre d’inféodation et d’usage ; ce qui sera finalement admis : « tout considéré … avons par jugement souverain maintenu et gardé les habitans de Dourgne et d’Arfons en la possession et jouissance des bois et forests de Sagnebaude et Lavialette » (Registre 8B6, page 387)

     Elles sont plantées de hêtres mêlés de houx et de coudriers (quelques charmes dans Sagnebaude), le tout en très mauvais état à cause de coupes déréglées, excessives et abusives. Les bois sont abroutis par tous les bestiaux continuellement en pâturage (AD 31, registre 8B6, p.369 et suiv.).(1). La portion de Sagnebaudou (49 arpents) est trouvée totalement défrichée et réduite en terres labourables et prairies mais elle appartient à un particulier depuis un acte d’inféodation de 1505.

Bois des habitants de Sorèze

     Figure 22 : (clic) plan des bois des habitants de Sorèze : Montcapel, Trinquebisse et Malcoustat, 1668. (370 arpents = 210 ha) et Figure 23 : plan de Fournairios (106 arpents = 60 ha).                              

Montcapel, Trinquebisse et Malcoustat, proches de l’église de St Jammes se retrouvent facilement sur les cartes IGN mais Fournairios (ou Fournaiou) n’est pas localisable aujourd’hui. Les règlements d’exploitation habituels sont dans le registre 8B 7, p.90 et suivantes.

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(1)Texte complet cité par Doudiès J.M. 2013, p. 193 et 195.

Bois des Verges           232 arpents         (132 ha)

     Ce bois appartenant « aux habitans des Campmases de Roquefort » est visité en 1668 et réglé selon le plan-type (registre 8B 7, p. 96 et suiv.).

     Figure 24 : plan du bois des Verges de 1667, par P. et G. Pech.

Forêt située le long du ruisseau du Sor, sous l’actuel barrage de Gravette, aux lieux-dits Les Fontanelles et Le Plan Perdu.

     De plus, « les consuls et habitans du lieu des Campmases ont droit de propriete conjointement avec les habitans des lieux de Seyssac et Villemagne d’un bois et triage appelle de Combedarnaud joingnant le bois de Lalquier » (8B7, p.96 et suiv.). Les lieux-dits Combedarnaud (commune des Cammazes) et L’Alquier (commune de Saissac) sont toujours voisins et repérables sur une carte IGN vers la queue du barrage.

Bois de Durfort               218 arpents       (124 ha)

     Figure 25 :  plan des bois de Durfort 1668 par Pech.   Bois nommés Combe Nègre et Isardfrech, dans la prolongation du bois des Verges, entre la forêt royale de Lesguille (l’Aiguille) et le ruisseau du Sor où sont placés trois martinets.

     Les habitants de Durfort n’en ont pas la totale propriété mais usent de droits étendus : « avons par jugement souverain maintenu et gardé le dit sieur de Viguier seigneur de Durfort en la propriété et jouissance du bois de Combenegre et d’Isard frech dependant de la seigneurie du dit Durfort et les habitans aux droits d’usage par eux pretendus … ce faisant ils auront droit dy faire paistre leurs bestiaux excepté les chevres et moutons et seulement dans les fustayes et dans les taillis declarés deffensables … ils pourront prendre audit bois ce qui leur sera necessaire pour leur chauffage, instruments aratoires, bastiments et reparations de leur maison … leur avons neantmoins fait deffense d’en couper pour en vendre … » (AD 31, 8B 7, page 70).

Bois de Saint Denis               560 arpents     (318 ha)

     Figure 26 : plan des bois de Saint-Denis 1668 par Guillaume Pech

Les habitants de Saint Denis possèdent cette forêt conformément à un acte d’inféodation du 12 Janvier 1307 (Registre 8B 7, p. 260). Elle est plantée en hêtres d’âges variables, limitée par le ruisseau de l’Alzeau (forêt de Ramondens) d’un côté et de l’autre par les bois des habitants de Fontiers.

Sous le nom de La Serre Basse, ces bois sont rattachés aujourd’hui à la commune de Lacombe.

Bois de Fontiers Cabardès       703 arpents   (400 ha)

     Figure 27 : plan des bois de Fontiers Cabardès, 1668 par Guillaume Pech

Pour prouver leur droit de propriété sur cette forêt, les habitants de Fontiers Cabardès produisent un acte d’inféodation lui aussi daté du 12 Janvier 1307 (Registre 8B 7, p.268), comme les habitants de St Denis.

Aujourd’hui dans le territoire de la commune de Lacombe, ils sont appelés Bois de La Serre Haute.

Bois de Labadie           396 arpents       (225 ha)

     Figure 28 : plan des bois de Labadie 1668 par P. Pech

     Le bois de Labadie (ou d’Abadie) appartient à la communauté de Saissac en vertu d’un acte du 13 Avril 1292, confirmé en 1455. Visité et mesuré en 1668 par Paul et Guillaume Pech, arpenteurs jurés demeurant à Revel, il est peuplé de chênes très jeunes « mal coupés a tous endroits et sans ordre … coupés indifferemment par tous les habitans au dit consulat de Saissac tant pour leur chauffage que pour le chauffage du four banal du lieu de Saissac … lesquels bois chascun coupe a son plaisir en suivant leur fantaisie … Le dit bois seroit de belle venue sil estoit conservé …» (AD 31, 8B 61, dossier J2).

Le règlement d’exploitation habituel est décrit en 8B 7, p. 160 et suivantes.

De plus les habitants de Saissac, maintenus en possession et jouissance de la forêt de Labadie pour en jouir seuls, peuvent « pour celle de Lalquier (430 arpents) en jouir conjointement avec les habitans de Villemagne ».

 

Bois de Las Costes           131 arpents     (75 ha)

     Figure 29 : plan des bois de Las Costes de 1668 par G. Pech 

Ce bois, planté de hêtres, houx et coudriers, appartient aux habitants de Villemagne « pour en jouir seuls » et le bois de Lalquier en commun avec ceux de Saissac. Le bois des Costes se situe facilement sur une carte IGN au nord du village de Villemagne, le long du ruisseau du Lampy.

Les règlements d’exploitation (8B 7, p. 17 et suiv.) suivent encore et toujours le plan commun pour les forêts des communautés.

           Conclusion

Nul doute que Louis de Froidour aura été fidèle à sa devise SUSTINUI (« je maintiens » ou « j’ai maintenu »). Hélas ses successeurs n’auront pas tous la même devise ni la même énergie au travail. Et après la mort de Colbert (1683), le pouvoir central n’aura plus la même volonté pour soutenir les principes de l’Ordonnance de 1669 dans laquelle le roi avait pourtant écrit en préambule : « le ciel a tellement favorisé l’application de huit années que Nous avons données au rétablissement de cette noble et précieuse partie de notre Domaine, que nous la voyons aujourd’hui en estat de refleurir plus que jamais … ». Mais les publications de Froidour, maintes fois rééditées au 18ème siècle, ont permis à ses idées de se répandre dans toute l’administration forestière. Et en Languedoc, il a si bien décrit les sociétés et les forêts que l’exceptionnelle documentation de sa Réformation a été dans les siècles suivants et encore aujourd’hui, une référence obligatoire pour les forestiers bien sûr mais aussi pour les historiens, les géographes et les juristes.

                                            

Bibliographie

- BARTOLI (M.) 2011. Louis de Froidour, notre héritage forestier.

                           Dossier forestier n°23. Office National des Forêts.

- Centre National de la Recherche Scientifique. 1987. Les Eaux et Forêts du                                  

                                  12e au 20e siècle. Editions du CNRS

- DEVEZE (M.) 1962. La grande réformation des forêts royales sous Colbert

                 Annales de l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts. Tome XIX.

- DOUDIES (J.M.) 2013. Arfons et Ramondens. Orafontium.

                                Collection Lauragais Patrimoine

- FROIDOUR   .1668, Instruction pour les ventes des bois du roi.

                                        à Toulouse, par R. Bosc.

                         .1672, Lettre à Monsieur Barrillon Damoncout.

                                       à Toulouse, chez Camusat.

                         .1683, Instruction abrégée pour les gardes,

                                       à Toulouse, par J. Boude.

                         .1683, Ordonnances des Eaux et Forêts …,

                                       à Toulouse, par J. Pech.

- ORDONNANCE de Louis XIV sur le fait des Eaux et Forests, 1669,

                       à Paris, chez les imprimeurs ordinaires du roi