APPARITION DE DRAGONS A ARFONS POUR SAUVER LE LAMPY
APPARITION DE DRAGONS A ARFONS POUR SAUVER LE LAMPY
André Cassan
Texte remis le 25/02/2025
Il ne s’agit pas d’un épisode inédit de Games of Thrones ou d’une histoire tirée de l’univers de Tolkien, pas plus que le résultat d’abus de boissons ou de consommation de produits illicites par l’auteur.
Il s’agit d’un épisode bien réel de tentatives de destruction de différents ouvrages d’alimentation du Canal du Midi en 1790 par des « mal intentionnés » voulant empêcher la circulation des barques et l’exportation des grains, jugés responsables de la disette.
Ces troubles donnèrent lieu à l’envoi de troupes et notamment à Arfons où leur présence engendra des incidents sérieux en décembre 1790 et janvier 1791.
Le lecteur aura deviné que le terme dragon doit être compris au sens militaire du terme : « soldat se déplaçant à cheval et combattant à pied ».
Le contexte :
Avant d’aborder le récit des incidents conduisant à la venue des dragons à Arfons, il nous paraît préférable de donner quelques éléments du contexte qui prévalait.
Nous sommes à la fin de 1790, six mois avant la fuite à Varennes et Louis XVI est encore Roi [1] mais ses pouvoirs sont limités et l’Assemblée nationale constituante a déjà mis en place différentes réformes notamment en matière d’administration :
Création des départements fin 1789, départements administrés par le Directoire (exécutif élu de 8 personnes) et un Procureur Général Syndic également élu et en charge de la mise en œuvre des lois et décisions du Directoire du département.
Pour le Tarn, à l’origine la ville de Castres avait été désignée comme chef-lieu du
département[2] et ce n’est qu’en 1797 que Albi la remplaçât.
Création des municipalités également fin 1789, avec un Maire élu et un Conseil général également élu, composé d’un Conseil Municipal stricto sensu complété d’un Conseil des Notables.
Pour Arfons, la mise en place de la municipalité début février 1790 a vu l’élection du premier maire d’Arfons : Pierre Sompayrac par 51 voix contre 33 voix [3] pour Pierre-Etienne Aribaut au second tour de scrutin, ainsi que d’un procureur syndic [4], de 5 officiers municipaux [5] et 12 notables [6].
Il arrive souvent que les périodes de transition et de réformes s’accompagnent de désordres. C’est ainsi qu’un « détachement considérable de la garde nationale de
Castres » dut « arrêter les particuliers qualifiés de brigands qui s’étaient emparés par voie de faits du domaine du Rouquet appartenant au sieur Ducros, situé dans la présente municipalité, et qu’après une poursuite de deux jours, la dite garde nationale a procédé à l’arrestation de quatre de ces particuliers qui furent conduits dans la prison de Castres"[7] [8]
De fait, la situation économique de la population d’Arfons semblait catastrophique en cette fin d’année 1790 comme l’indique Pierre Sompayrac à son conseil : « Messieurs, la mauvaise récolte de l’année dernière et de la présente année, ont conduit les habitants de cette municipalité dans la plus affreuse indigence, il n’est personne parmi nous qui ignore les calamités dont nous sommes menacés s’il n’est ouvert un atelier propre à la subsistance dans le courant de l’hiver prochain, cette indigence se convertira en plus extrême misère si les ventes de coupes que l’on a coutume de faire dans Ramondens n’avaient point lieu dans le cours de cette année, déjà elles sont fort retardées et nous ne voyons aucun mouvement de la part de qui que ce soit pour y faire procéder, elles sont...... une des plus grandes ressources puisqu’elles occupent quatre cents bûcherons ce qui leur procurait une certaine aisance »[9] [10].
L’agriculture et la forêt faisant vivre l’essentiel de la population d’Arfons, ces difficultés économiques ne pouvaient qu’amplifier une certaine tendance des habitants d’Arfons, constatée à de nombreuses reprises[11], à pratiquer la dépaissance du bétail et des coupes sauvages de bois dans les forêts.
Les faits à l’origine :
Ce ne sont pas ces pratiques qui ont conduit à l’envoi de troupes à Arfons, mais des troubles importants occasionnés par la disette ainsi que l’indique A Mahul dans son « Cartulaire et archives de l'ancien diocèse de Carcassonne .... » :
"1790 Tentative de rupture du Bassin du Lampy[12] et de la rigole de la Montagne par des attroupements populaires occasionnés par la disette des blés (Procès Verbal du Conseil du Département de l'Aude page 4 et 9) »[13]
Un récit plus complet nous est fourni par un article de Léon Dutil « La circulation des grains dans l’Aude à l’époque révolutionnaire »[14] ainsi que par les délibérations des directoires des départements de l’Aude[15], et du Tarn[16]
« En 1790, la récolte des blés avait été assez abondante mais le seigle et le millet avaient
manqué et cela avait sa répercussion sur le prix des grains ».
Le 17 juillet, un habitant de Castelnaudary accusé de vouloir exporter des grains achetés pour compte de la municipalité de Castelnaudary est sérieusement molesté à Pennautier. L’agitation se propagea les jours suivants dans le département. « Le peuple se mit alors en devoir d’interrompre le commerce en arrêtant la navigation du Canal. C’est par cette voie que se faisaient d’ordinaire les expéditions de blés, et des quantités de barques venaient s’approvisionner de blé dans la région du Lauragais et du Carcassès, qui partaient ensuite vers le Bas Languedoc ; dans l’esprit populaire, c’était autant de blé perdu et probablement au profit de l’étranger. »[17]
En août des attroupements tentent de se saisir de barques sur le Canal vers Marseillette.
Les différentes mesures prises pour contrôler les volumes et destinations des grains achetés, ainsi que le recours aux dragons du régiment de Noailles stationné à Carcassonne ou à la garde nationale n’apportent qu’une accalmie temporaire. Les municipalités concernées font preuve de mauvaise volonté, la garde nationale semble peu fiable et il est question d’envoyer le régiment de Noailles à Montauban où il y avait des troubles.
Fin août les autorités départementales demandent au ministère de la Guerre le maintien du régiment de Noailles et l’envoi de nouvelles troupes.
En septembre interviennent plusieurs attaques contre les ouvrages du Canal :
- dans la nuit du 15 au 16 un épanchoir à siphon est démoli avec des pétards entre Marseillette et Millegrand
- dans la nuit du 16 au 17, un corps de charpente situé au Pont Rouge au nord de Carcassonne qui servait à retenir les eaux du Fresquel est entièrement incendié (ce n’est qu’en 1810 que le tracé du Canal du midi fut modifié pour passer dans Carcassonne, jusqu’alors le tracé d’origine de Riquet empruntait la vallée du Fresquel )
- de différents cotés, des gens se portent vers les bassins de Saint-Ferréol et du Lampy avec des fusils, des haches, des bêches et autres outils de destruction et dans la nuit du 25 au 26 des dégâts considérables sont commis aux bassins du Lampy.
La municipalité de Revel demande des secours au département du Tarn pour protéger le bassin du Lampy et la Rigole. Celui ci envoie le 26 septembre 3 brigades de maréchaussée mais pas de gardes nationaux parce que « les légions voisines seraient d'une très légère ressource, [la population] étant aveuglée au point de désirer la destruction plutôt que la conservation du canal ».
La municipalité de Saissac informe de son côté le Directoire du département de l’Aude qui obtient l’envoi le 27 de 50 hommes du régiment du Médoc casernés à Trèbes vers Saissac d’où ils devront envoyer des patrouilles au bassin du Lampy[18].
Par ailleurs le Directoire réagit devant les menaces exercées sur le Procureur Général Syndic Fabre et sur Verdier, un de ses membres, dont une grange est incendiée à Trèbes dans la nuit du 26 au 27. Par une ordonnance prise le 27, il expose que toutes ces violences ne peuvent être que l’ouvrage des ennemis de la révolution, exhorte à dénoncer les agitateurs et leurs complices avec promesse de récompense, invite les municipalités à empêcher les attroupements et faire arrêter les suspects.
À son tour l’Assemblée Nationale, tenue informée, par décrets des 3 et 6 octobre, demande au Roi l’envoi des troupes nécessaires dans l’Aude, donne aux tribunaux de la région le pouvoir de juger en dernier ressort les auteurs ou complices d’attentats contre l’ordre public et prévoit que les indemnités à accorder seront prélevées sur les biens des coupables et subsidiairement payées par les communes concernées.
Le déploiement de troupes se poursuit en octobre et le 26 octobre le procureur général syndic de l’Aude écrit à son homologue du Tarn pour l’informer qu’« un poste de 15 grenadiers du régiment de Bresse a été établi au bassin de Lampy, un autre de même force pris dans le régiment de Languedoc aux Cammazes et 20 hommes avec un officier appartenant aussi au régiment de Languedoc ont été placés à Arfons ; prière d’assurer l’étape et le logement à ces troupes qui doivent être rendues le 28 aux résidences assignées ».
Un autre courrier du 2 septembre du commandant Montagu[19] de Montpellier informera le procureur syndic du Tarn du départ le 8 novembre des grenadiers du régiment de Bresse via Castres et Saint Amans.
Par contre le détachement du régiment de Languedoc stationné à Arfons semble y avoir été
maintenu et sera concerné dans les incidents relatés ci-après.
Les incidents d’Arfons.
Ces incidents sont intervenus à Arfons entre le 26 décembre 1790 et le 10 janvier 1791, et sont évoqués par différents courriers du directoire du département de l’Aude à celui du département du Tarn détenus aux Archives départementales du Tarn (L509 Canal des deux mers) et par les comptes rendus de délibérations du Conseil Municipal d’Arfons (Archives Communales d’Arfons).
Un courrier du 4 janvier 1791 adressé par le directoire du département de l’Aude à celui du Tarn en fait part : « Vous n’ignorez point les dangers et dégradations qu’ont éprouvés les bassins et rigoles du Canal du côté du Lampy et que la voix publique a accusé dans le temps les habitants d’Arfons d’être les principaux auteurs de ces dégradations.
C’est avec votre agrément Messieurs que nous avons établi un détachement de vingt hommes à Arfonds pour contenir les mal intentionnés et les empêcher de se livrer à de nouveaux exès ».
Ce détachement de 20 « chasseurs[20] » du régiment de Languedoc va se retrouver impliqué dans plusieurs incidents avec des habitants d’Arfons et sera contraint de se replier à Saissac.
Monsieur Régnaud, « Commandant du cordon de troupes de ligne établi sur le Canal », en fait le compte rendu suivant[21] au directoire du département de l’Aude : « Le vingt-six décembre le nommé Pech fils du maréchal et le boulanger, vinrent chercher dispute à un recrue, le maltraitèrent de propos et le frappèrent dans le cabaret[22] dePitchoura.
Le vingt sept, le nommé Tranche Montagne et Pech cherchèrent dispute dans le même cabaret à deux chasseurs.
Le trente, un chasseur se retirant à 9 heures du soir, en ayant la permission de son officier, fut assassiné à coups de pierres, jeté à terre, il reçut encore des coups de pierres et fut laissé comme mort sur la place. Les présomptions de ce meurtre paraissent assés généralement se fixer sur le garde dont l’allée fut trouvée ouverte et c’est ou l on a lieu de présumer que le Boulanger et le nommé tranche montagne se sont réfugiés après avoir commis cette vilaine action.
Le 3 janvier le nommé tranche montagne et le garde, étant à boire au cabaret du maréchal disaient entre eux que les premiers hommes du détachement qu’ils rencontreraient il falait les tuer à coup de sabre et de fusil, (le garde avait le sien sur un lit du cabaret) ces propos furent entendus de quelques chasseurs qui se trouvaient dans le cabaret. De propos en propos, l’affaire s’engagea, le garde, dit on, voulant se servir de son fusil reçut un coup de sabre, le nommé tranche montagne se sauva par une porte de derriere et ameuta le village qui se rassembla de tous les côtés et il fut même envoyé des émissaires dans les villages circumvoisins.
L’officier instruit de ce qui venait de se passer, fit mettre sa troupe en bataille sur la place, les municipaux[23]le prièrent avec insistance de vouloir bien se retirer, ce qu’il crut devoir faire par prudence pour éviter des événements plus fâcheux.
Le détachement se retire donc à Saissac
L’arrivée des dragons :
La situation ne pouvait en rester là et dans son courrier du 4 janvier 1791 adressé au directoire du département du Tarn, le directoire de l’Aude lui indique qu’il « importe que la force publique soit respectée.......et que nous protégions de tout notre pouvoir la navigation du canal. »
Il lui fait part de l’envoi d’un détachement plus important devant rester 5 à 6 jours à Arfons dans le but « d’en imposer aux habitants d’Arfons.......car lorsque les mal intentionnés ont obtenu quelques succès, ils ne connaissent plus de bornes et se livrent aux plus coupables excès. »
Le détachement sera composé de 130 hommes et 5 officiers dont 100 provenant du régiment du Languedoc et 35 du régiment de dragons de Noailles) Informé de l’arrivée prochaine d’un détachement d’environ 135 hommes, le maire d’Arfons réunit les membres du Conseil Municipal et du Conseil Général d’Arfons le 5 janvier 1791 et fait adopter la résolution suivante par l’assemblée : « elle députe MM Saverdun officier municipal, Couzinié procureur de la commune et Trilhe notable à l’effet de se rendre auprès des membres du directoire du département de l’Aude pour les supplier de donner des ordres pour que le détachement soit moins nombreux, et de faire en sorte qu’il soit composé s’il est possible par un autre régiment que celui du Languedoc, attendu qu’il existe entre les personnes qui ont été blessées, une animosité qui peut être amènerait de nouveaux troubles. »
Le même jour vers 7 heures du soir, les délégués sont reçus par le directoire de l’Aude à qui ils remettent un « procès verbal[24] dressé les 27, 30 décembre et 3 du présent mois »
Leur version des faits devait être sensiblement différente de celle de M Régnaud et le directoire de l’Aude indique à celui du Tarn par courrier du 7 janvier « Nous allons de suite faire examiner avec la dernière attention cette affaire ; si les soldats ont tort, M de Regnaut ne manquera pas de les faire punir avec la dernière rigueur »
M Régnaud rend compte du déroulement de l’opération par un courrier du 9 janvier à M de Bougard, commandant le régiment de Noailles : « notre opération s’est faite sans résistance quelconque..........M de Baudre est arrivé avec M de Villeblanche et 33 dragons, nous arrivions d’un autre coté, et le village a été consterné de voir tant de force réunie au même instant. » Il lui indique qu’il sera de retour à Carcassonne dès le lendemain ainsi que 60 hommes et qu’« on ne laissera personne à Arfonds ou il faudrait au moins soixante hommes pour en imposer à ce méchant peuple, et ou les prendre, d’ailleurs par la connaissance que j’ai de ce pays, je juge ce poste inutile à conserver »
Nous ne disposons pas d’éléments permettant d’attribuer la responsabilité des rixes et sans doute les deux parties en ont une part.
Monsieur Régnaud met donc en cause le Corps Municipal d’Arfons pour son inaction dans les troubles intervenus.
L’officier, dans les différentes rixes a constamment demandé justice, mais vainement, Mrs les municipaux y ont apporté une lenteur et une faiblesse extreme.
L’on voit toujours les memes hommes dans les différentes disputes ce sont ceux qui troublent la paix dans ce village ». Il est vrai que la municipalité ne semble pas avoir fait trop de zèle pour mettre en œuvre ses responsabilités : « Les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des corps municipaux » incluaient « le soin de réprimer et punir les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et les disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les bruits et attroupements nocturnes qui troublent le repos du citoyen ; » ainsi que « le maintien du bon ordre dans les lieux où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; »[25]
Dans sa lettre à M de Baudre du 9 janvier 1891 Régnaud va même plus loin : « la plupart des bourgeois coupables sont détenus en prison et sont parens de fort près à Mr Aribot notable qui mène tout dans ce pays ».
Cette affirmation est très discutable car nous n’avons pas trouvé de trace de de détention en prison d’habitants d’Arfons dans les délibérations du conseil et si Pierre Étienne Aribaut était certes un notable très influent, il n’apparaît pas avoir de lien de parenté avec les protagonistes de cette affaire (cf Annexe).
Par contre, le « fils du maréchal » mis en cause était le neveu d’un notable membre du conseil général de la commune et il est possible que « le boulanger » ait été le beau frère d’un autre notable du conseil (cf Annexe).
Régnaud semble toutefois admettre que ses chasseurs du régiment du Languedoc ont une part de responsabilité dans son compte rendu du 11 janvier : «Ne voulant point soutenir le soldat dans ses fautes, j’ai fait mettre en prison les chasseurs soupçonnés d’être ceux de l’affaire du 3. »
Cette histoire semble illustrer la tendance des premières municipalités élues instituées sous la Révolution française à plutôt protéger les habitants (et leurs intérêts) contre les pouvoirs extérieurs au village, d’autant plus que des liens familiaux pouvaient exister au sein du cercle restreint des notables dirigeants élus dans le cadre d’un vote censitaire.
Ces comportements, amplifiés en période de difficultés lors de la mise en œuvre de la conscription et de réquisitions, conduiront le pouvoir central à créer des « municipalités de canton » de 1795 à 1800 (Arfons dépendant de la municipalité de canton de Sorèze), puis à la réduction des pouvoirs municipaux et à la désignation des maires et adjoints par les préfets, régime qui perdurera (à l’exception d’une brève période sous la seconde république) jusqu’à la troisième république.
L’affaire ne fut pas sans conséquence pour les finances de la commune d’Arfons qui se trouva devoir régler une somme de 206 livres[26] correspondant aux divers frais (fourniture de bois et chandelles, loyer de la chambre de l’officier etc) occasionnés par la présence des troupes. Par une délibération du conseil municipal du 8 janvier 1792, le conseil tente d’en obtenir le remboursement par le directoire du département de l’Aude au motif que « les fonds destinés aux dépenses imprévues se trouvaient absorbés ». Il ne semble pas que cette demande ait été entendue.
Ces incidents d’Arfons ont provoqué quelques frictions « en toute fraternité » entre les directoires des deux départements concernés, celui du Tarn prenant ombrage d’une intervention à l’initiative de l’Aude sur ses territoires, celui de l’Aude lui répondant qu’ils n’avaient qu’à requérir eux-mêmes les troupes nécessaires pour assurer la sécurité.
Il faut dire que ce n’était pas le seul sujet conflictuel entre eux à cette époque, le département de l’Aude et la municipalité de Saissac essayant de se faire attribuer par l’assemblée nationale le domaine de Ramondens précédemment possession de l’abbaye de Prouilhe....
La question de la circulation des grains par le Canal du Midi n’était pas définitivement réglée pour autant. Si l’année 1791 se déroula sans gros problème, il n’en fut pas de même en 1792 avec des troubles encore plus graves et notamment l’assassinat du procureur général syndic du département à Carcassonne le 17 août.[27]
Le rétablissement de l’ordre nécessita de recourir à plus de 4000 hommes de troupe dans la région.
Nous n’avons pas trouvé de trace d’un retour de troupes à Arfons, même si une rumeur avait circulé « qu’une troupe de montagnards avait été au bassin du Lampy pour en démolir la chaussée[28] »
Il y eut toutefois au moins une autre apparition de troupes pour rétablir l’ordre à Arfons.
Lors des élections de 1848, les tensions entre partis étaient telles qu’un escadron de hussards dut venir conforter la garde nationale du village pour mettre fin aux troubles[29]
.
ANNEXE
LES PROTAGONISTES et LIEUX DES ÉVÉNEMENTS
PITCHOURA :
Il s’agit de Pierre Rolland (1760-1842) qui, selon le recensement de 1836, était toujours aubergiste à l’âge de 76 ans et dont le surnom de Pechourrat (ou Piechorrat) est attesté par la rubrique à son nom de la matrice cadastrale napoléonienne de 1835[30]qui nous indique qu’il possède deux parcelles bâties se faisant face rue de l’église qui correspondraient sensiblement aux numéros actuels du 27 et du 30 de cette rue, entre la place Pierre Étienne Trilhe (ancienne place Notre Dame) et l’église.
PECH le maréchal, son fils, son cabaret :
Depuis au moins Pierre Pech (ca 1637-1691), plusieurs générations de Pech ont exercé les métiers[31] de« maréchal » (maréchal ferrant), forgeron, taillandier à Arfons et plusieurs Pech exerçaient ces métiers lors des événements[32]. La mention du « cabaret du maréchal » nous conduit à identifier Pierre Jean Pech (1741-1797) comme étant le « maréchal » concerné. En effet, le dernier café d’Arfons sur la place du Plo du Barbier, résulte de la réunion des anciens hôtels restaurants Édouard Pech et Hubert Pech dans les années 1960 par Odette Bluze ( née Cayrac). Auparavant ils ont toujours été détenus par les descendants de Pierre Jean Pech et de son second fils Jean Pech (1776-1814) qui apparaissait dans les registres d’état civil comme aubergistes.
C’est donc Pierre-Jean Pech qui a créé son cabaret comme complément à son activité de maréchal sur un emplacement que des plans terriers[33]que l’on peut dater entre 1771 et 1785 attribuaient à « Antoine Pech
Maréchal », Antoine Pech (1721-1785) étant le père de Pierre-Jean Pech.
Il en découle que le « fils Pech » cité par Regnaud est vraisemblablement le fils aîné Antoine Pech (1772 – ca 1838) qui avait 18 ans au moment des faits.
Il se trouve être le neveu de Baptiste Pech, frère de son père et l’un des membres du conseil général de la commune en qualité de notable.
TRANCHE MONTAGNE
Il s’agit vraisemblablement d’un surnom signifiant : « Fanfaron qui se vante d’exploits fabuleux » selon le dictionnaire Le Robert (vieux français), et nous n’avons pu l’identifier à partir de ce seul élément.
LE GARDE
À défaut d’autres précisions, nous n’avons pu l’identifier parmi les différents gardes alors en activité :
— 4 Gardes du Canal du midi de la prise d’Alzeau au Lampy
— Gardes de Ramondens : une délibération du conseil municipal du 12 septembre 1794 fait état de la destitution du garde Justamant qui est requis de remettre son fusil de fonction et de l’installation de trois nouveaux gardes (PJ Carles, L Anglés, J Ourliac)
— Garde de Sagnebaude et de la Vialette : une délibération du conseil municipal du 31 octobre 1794 fait état de la destitution du garde en fonction (Non dénommé) et son remplacement par Antoine Carbonne Gardes de Sarremegé et d’Hautaniboul : une délibération du conseil municipal du 26 avril 1794 relative à une saisie de bois chez divers particuliers mentionne Valette garde de la forêt nationale d’Hautaniboul et Boscat garde de la forêt nationale de Sarremegé.
Au total cela fait environ 10 gardes susceptibles d’être concernés, même si l’on pourrait sans doute éliminer une grande partie (Canal du Midi, Ramondens etc) du fait de lieux de résidence éloignés du village.
LE BOULANGER
Le pain constituait un élément principal de l’alimentation de l’époque, mais beaucoup d’habitants préparaient leur pain eux-mêmes, et l’on ne trouve trace que d’un seul boulanger Honoré Gineste dans le recensement de 1836, bien que le village compte alors près de 1400 habitants.
Sans en avoir une certitude absolue, on peut légitimement penser que le boulanger cité se trouvait être son grand-oncle Jean Gineste (1752-1820), que différents documents mentionnent comme boulanger en 1779 et à son décès et qui avait 38 ans lors des faits et dont 2 fils (trop jeunes en 1790 pour être impliqués)
furent également boulangers.
De part son frère Jacques Gineste, aubergiste et maire d’Arfons de 1800 à 1804, il se trouvait être beau- frère de Louis Anglés membre du conseil général d’Arfons en qualité de notable.
Pierre Étienne ARIBAUT (ca 1739-1812) :
Pierre Etienne Aribaut, avocat au parlement, homme de loi, propriétaire, professeur à Sorèze, issu d’une famille de Fontiers-Cabardès, vient s’installer à Arfons suite à son mariage en 1766 avec Marguerite
Pradié qui dispose de biens significatifs hérités de son père dont la métairie de Faury et le moulin du Moulin Bas.
Il est allié avec la famille Trilhe, sa sœur ayant épousé Jean Trilhe en 1759. Il est l’oncle et parrain de Pierre Étienne Trilhe qui sera maire d’Arfons à plusieurs reprises.
Il est également proche de la famille de Beauregard dont il gérera les biens à Arfons (hérités de Jean-Pierre de Contié l’ancien maire perpétuel d’Arfons) après le mariage et l’installation à Hyère d’Alexandre Aimable de Beauregard .
Battu par Pierre Sompayrac lors de l’élection du premier maire d’Arfons en février 1790, il fait partie (comme Pierre Étienne Trilhe et Jacques Salvi le beau père de celui-ci) du conseil général de la commune en qualité de notable lors des événements évoqués.
Il dispose d’une influence considérable et deviendra maire d’Arfons de janvier 1793 à juin 1795 puis de mai 1804 à décembre 1808 où il sera remplacé par son neveu Pierre Étienne Trilhe.
C’est à lui qu’est attribué le cantique « Pastres de la Judeo » entonné par les hommes lors de la grand- messe de Noël dont le texte est reproduit sur le site Ora Fontium dans la rubrique Documents Poésies et
Chansons[34]
[1] L’abolition de la royauté sera proclamée le 21 septembre 1792.
[2] Et donc siège du Directoire départemental.
[3] Seuls les citoyens “actifs” payant plus de 10 livres d’impôts pouvaient voter.
[4] Guilhaume Couzinié
[5] Jacques Carrière, Pierre Saverdun, Jean Anglés, André Cassan, Antoine Albert
[6] Pierre Étienne Trilhe, Pierre Étienne Aribaut, Carles, Cavayé, Baptiste Pech, Pierre Cazes, Pierre-Jean Picarel, Louis
Anglés, Pierre-Jean Pouillés, Salvi, Jean Ourliac, Jacques Albouy
[7] Délibération du conseil municipal du 6/12/1790 sur une demande de remboursement de 77 livres de frais engagés par le détachement chez le sieur Gineste aubergiste
[8] L’histoire ne dit pas d’où provenaient les “brigands” et si des habitants d’Arfons étaient concernés.
[9] Délibération du conseil municipal du 8/09/1790
[10]Ce nombre de 400 paraît très excessif en regard de la population totale d’Arfons environ 1183 habitants selon un recensement de 1793. On peut considérer, à partir des éléments fournis par le premier recensement détaillé de 1836, qu’il
s’agit d’une estimation haute du nombre total de personnes des familles dont les revenus dépendaient de la forêt (charbonniers et autres)
[11]Voir l’ouvrage de JM Doudiès (Arfons et Ramondens : des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem aux Dominicaines de Prouilhe)
[12]Le nouveau bassin du Lampy venait d’être mis en service en 1782
[13] Cartulaire et archives des communes de l’ancien diocèse et de l’arrondissement administratif de Carcassonne de par Alphonse Mahul page 508.
[14]Publié en janvier 1905 dans la revue « La Révolution Française » consultable sur le site Gallica de la BNF
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116326z/f107.item.r=(prOx%20%22lampy%22%2010%20%22d%C3%A9gats%22)
[15]Archives départementales de l’Aude Cote 1L165
[16]Archives départementales du Tarn (Cote L 151 24 juin 1790-16 février 1791 et Cote L 194 5 juillet-12 novembre 1790 )
[17]Dutil page 99
[18]Archives de l’Aude Registre 1L165 Délibérations du directoire du Département
[19]Il s’agit vraisemblablement de Montagu (« ci-devant Montagu de Bouzols ») commandant en second des troupes du Languedoc.
[20]Nom donné à un certain nombre d’unités à cheval et à pied, légères et mobiles.
[21]Nous avons gardé l’orthographe originelle.
[22]À l’époque le terme « cabaret » n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui : il s’agissait d’un lieu de consommation de
boissons (taverne ou auberge)
[23]Les officiers municipaux
[24]Qui hélas ne semble pas avoir été conservé.
[25]Loi des 16 et 20 juillet 1790
[26]Pour juger de l’importance de la somme, on peut se référer à la délibération du conseil du 8 octobre 1792 fixant les appointements (annuels) du nouveau régent de l’école (instituteur) à la somme de 200 livres.
[27]Les 3 coupables condamnés furent guillotinés fin décembre 1792 sur la place centrale de Carcassonne devant une foule venue voir fonctionner pour la première fois la guillotine.
[28]Dutil page 218
[29]Ce qui laissa 200 francs de frais à charge de la commune (délibération du conseil municipal du 10 novembre 1848)
[30]Il est possible qu’il s’agisse de « Pitchou Rat (Petit Rat) » soit enseigne du cabaret, soit surnom du propriétaire, ce surnom de rat ayant été rencontré dans la dénomination d’habitants d’Arfons figurant dans la matrice des propriétaires du cadastre napoléonien de 1835.
[31]Le même individu pouvant être qualifié de l’un ou l’autre de ces métiers selon les sources
[32]Le recensement de 1836 en fait apparaître huit .
[33]Croquis sommaires succédant au compoix de 1698 pour actualiser la tenue de l’imposition foncière. Ces plans terriers nous ont été transmis par Jean-Michel Doudiès.
[34]Histoire d’Arfons de Gaston Durand-Gorry et Jean de Trigon -1951-.